Aïcha Vesin-Cherif
cultiver son jardin
Quel est votre parcours ?
Après une carrière de professeur des écoles et de responsable du sport scolaire dans le canton de L’Arbresle, ma vie personnelle m’a obligée à de grands changements. Je suis alors devenue, en 1993, enseignante spécialisée et maître formateur en adaptation pour les enfants en difficulté. J’ai été affectée à trois écoles du quartier de Perrache. J’ai rapidement réalisé que les problèmes de ces enfants étaient liés au fait que leur famille ne comprenait pas les choix d’orientation faits pour eux par les équipes enseignantes. Passionnée de voyages, j’ai décidé de me rendre dans leur patrie d’origine pour découvrir leur histoire.
L’éducation donnée aux petits dans ces pays est si différente de la nôtre ! Et la vie scolaire n’a rien à voir non plus ! Comment faire pour que ces familles puissent suivre la scolarité de leurs enfants quand elles ne savent ni lire ni écrire le français ? À mon retour, il y a eu un gros travail de médiation. J’ai rencontré les parents pour leur expliquer le fonctionnement de l’école dans notre pays et le rôle des psychologues scolaires, des rééducateurs ou des enseignants spécialisés. Je les ai encouragés à créer une association. Grâce à la MJC du quartier, ils ont réussi et ont mis en place des cours de soutien et des cours de français. Et les résultats scolaires des enfants ont progressé car les familles étaient devenues partie prenante !
Comment êtes-vous devenue Oullinoise ?
Quelques années avant ma retraite, et sur les conseils de mes deux filles, j’ai cherché un endroit calme où m’installer. Je ne connaissais alors Oullins que très peu. Mais la visite coup de coeur d’un appartement aux Célestins m’a convaincue ! Et cela fera 20 ans l’année prochaine que je suis Oullinoise.
J’ai rapidement été sollicitée pour prendre part à la vie associative, notamment par l’amicale des Tunisiens qui souhaitait que leurs enfants s'approprient la culture française.
Nous avons donc créé l’Association culturelle franco-tunisienne d’Oullins (ACFTO). Ensemble, nous avons travaillé avec les jeunes pour mettre en place des cours de soutien, des après-midi jeux de société, des tournois de futsal… Je les ai également emmenés à Berlin pour qu’ils découvrent une ville dans laquelle les cultures se côtoient sans problème. À notre retour, nous avons relancé les fêtes de quartier, les partenariats avec la MJC, le théâtre, le centre social… Nous avons aussi été à l’initiative de différentes fresques réalisées ces dernières années à la Saulaie.
Quelles sont vos activités aujourd’hui ?
J’ai quitté progressivement l’association à partir de 2016 en essayant de passer le relais. Cela n’a pas été simple… Parallèlement à mon implication au sein de la structure, j’ai commencé – dès la retraite – à être conteuse, écrivain, photographe, à animer des ateliers, à participer à des expositions, à organiser des conférences... Mais en aidant quotidiennement les autres, j’ai oublié que je pouvais moi aussi monter ma propre structure. Grâce à Graines de SOL, coopérative d’entreprenariat collectif, j’ai donné du sens à mes activités en créant Le jardin de la rose bleue. Dans un jardin, on trouve beaucoup de choses, comme dans ma vie ! Et la rose bleue, qui n’existe pas dans la nature, appartient au monde de l’imaginaire dans lequel j’aime me plonger. Parallèlement à cette activité, j'assure toujours mon aide sociale d'écrivain public
bénévole : j'écoute les personnes qui font appel à moi, les aide à faire leur courrier ou dossier, les oriente vers les bonnes structures… Je suis aussi vice-présidente de l’Union des écrivains de la région Auvergne-Rhône-Alpes et membre administrateur de la Maison de la Francophonie. J’ai enfin eu la chance de recevoir trois prix internationaux pour la création de tankas (des poésies de style japonais), deux prix européens pour des contes, la médaille du mérite Culturel en 2017 et, tout récemment, celle de Chevalier dans l’ordre des Palmes académiques. Cette distinction a été pour moi l’occasion de réunir toutes les personnes qui ont compté dans ma vie et que je n’avais pas vues – pour certaines – depuis plusieurs dizaines d’années…
Juin 2018