Gisèle Checola
Qu’est-ce que la technique du velours au sabre ?
Le velours au sabre, également appelé sabrage, consiste à créer du velours sur un satin de soie à l’aide d’un outil appelé "sabre tranchet". Le sabreur fait glisser l’extrémité de la lame en acier entre les fils lâches au-dessus du tissu, soulève et coupe les fils millimètre par millimètre. Enfin, il emploie une brosse à base de poils de sanglier qu’il fait glisser du haut vers le bas, de sorte à relever les fibres coupées pour laisser apparaître le relief.
Cette technique nécessite également l’emploi d’un tissu spécial nommé satin duchesse qui possède une armature particulière, ce qui permet de transformer la matière. Ce métier, rare et peu connu, a plus de 150 ans. Pratiqué dès les années 1830 par le soyeux stéphanois Charles Rebour, le velours au sabre fit les grands jours de la Maison Staron puis d'Hermès. Au XIXe siècle les robes de velours prestigieuses étaient réalisées pour des dames appartenant
à la noblesse.
Quel est votre parcours ?
J’ai travaillé de 1992 à 2008 au sein des ateliers Hermès à Pierre-Bénite. Ce fut une expérience très enrichissante. Dans ce cadre, j’ai eu l’occasion de rencontrer une spécialiste du velours au sabre. Très rapidement, ce savoir-faire m’a attiré par son raffinement et sa technicité et ce métier m’a séduit. J’ai donc suivi une formation spécifique en interne pour apprendre cette technique qui nécessite patience et précision. En 2007, j’ai obtenu la médaille de meilleur ouvrier de France. À cette occasion, j’ai été reçue à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, ce qui fut une grande fierté pour moi. L’année suivante, j’ai quitté la maison Hermès pour fonder ma propre entreprise de couture et j’ai continué à pratiquer la technique du velours au sabre pour de grands couturiers comme Cartier. Depuis 2017, suite à une reconversion professionnelle, je cumule deux emplois : technicocommerciale en peinture en semaine et couturière le week-end. C’est une passion que je compte poursuivre !
En 2007, j'ai obtenu la médaille de meilleur ouvrier de France, ce fut une grande fierté pour moi.
Pourquoi si peu de personnes en France maîtrisent cette technique ?
Le geste doit être précis, irréprochable et régulier car tout dérapage serait fatal à la pièce de tissu. Après un brossage, les fils se redressent et donnent l’épaisseur et le soyeux du velours. Tout est dans le coup de main, le geste doit être sûr pour ne pas couper tous les fils du motif, et surtout ne pas piquer la trame. Ce travail manuel exige l’excellence dans la précision, la minutie dans le geste. La maîtrise parfaite du sabre fait de sa pratique un métier d’Art. Le métier de sabreuse a une connotation exotique. Pourtant il puise son origine dans nos traditions textiles les plus nobles. Le velours au sabre est destiné à des créations textiles exceptionnelles, car la conception du tissu évolue au rythme de seulement quelques centimètres par jour.
Février 2022