Estelle Sauvageon
être là pour les autres
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 45 ans, je suis aide soignante depuis 22 ans et mère de deux grands enfants. Je travaille pour Oullins Entr’aide depuis quelques années maintenant, et j’espère bien y finir ma carrière !J’ai toujours été attirée par le médical, par l’idée d’être auprès des autres pour les aider. Le fait d’être fille d’infirmière a dû jouer. Après avoir passé un bac littéraire et deux années en fac de sociologie, j’ai tenté plusieurs concours que je n’ai pas eu dans le paramédical. J’ai fini par obtenir celui d’aide soignante à la Croix-Rouge française. Il donnait accès à une formation de deux ans en contrat de qualification. Je me suis tout de suite sentie dans mon élément. Je ne dis pas que c’est un métier facile, car on peut être confrontés à des situations délicates à gérer mais, au moins, on se sent utile. J’ai travaillé pour différentes structures, y compris dans le privé, mais j’ai vraiment redécouvert combien j’aime mon métier en commençant à exercer en soin à domicile pour Oullins Entr’aide.
En quoi consiste votre travail au quotidien ?
Je travaille le matin et le soir, sur des tournées de 5 à 6 patients environ. Je fais les tournées seule, mais je ne me sens pas seule. Chaque jour, l’équipe se retrouve pour faire le point et on s’appelle régulièrement pour s’entraider si besoin. J’aide principalement les personnes pour leur toilette. Pour certaines, il s’agit simplement de les rassurer, parce qu’elles ont peur de chuter, pour d’autres, qui n’arrivent par exemple plus à se lever, la prise en charge peut être plus importante.Je suis attentive à observer que l’état physique et psychologique de la personne ne se dégrade pas. J’aide aussi pour la prise des médicaments préparés par l’infirmière et pour toutes sortes de gestes quotidiens comme le fait de mettre ou enlever un pyjama, des bas de contention, etc. On prend également le temps de discuter un peu et parfois, on s’attache plus qu’il ne le faudrait. Il y a deux ans, j’ai perdu une patiente à laquelle je m’étais beaucoup attachée et j’ai mis du temps à m’en remettre. Un matin, je suis arrivée chez elle et il n’y avait personne. Quand j’ai appelé son fils pour savoir ce qu’il se passait, il m’a annoncé son décès, et je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Je l’avais vue la veille au soir. D’en parler, j’en ai encore la gorge nouée. Toute l’équipe était là pour ses funérailles. Rester détaché n’est pas toujours facile parce qu’il y a un échange, une relation de confiance qui se crée. Les gens disent souvent qu’il s’agit d’un métier difficile et ingrat, mais si on le fait, c’est qu’on l’a choisi et qu’on aime être là pour les autres.
Quel est l’impact de la crise sanitaire sur votre travail et votre relation aux patients ?
Le confinement a eu peu d’impact sur nos tournées. Au départ, certaines familles annulaient des rendez-vous par crainte. Mais voyant toutes les mesures de sécurité prises par l’association, elles ont repris le suivi. Dès le départ, nous avons été équipées de masques. Nous avons aussi du gel hydroalcoolique, des surblouses, et depuis peu, des visières et lunettes de protection. Nous sommes bien protégées, ce qui nous permet aussi de bien protéger nos patients. Je fais partie de ceux qui applaudissent le soir à 20h, je m’applaudis moi, j’applaudis les soignants mais pas seulement. J’applaudis tout le monde : tous ceux qui continuent à travailler parfois dans des situations de non-protection, tous ceux qui restent coincés chez eux, tous les entrepreneurs, les petits commerçants qui s’inquiètent... Parce que c’est difficile pour tout le monde !
Avril 2020