Edouard Aulagnier
ne pas oublier le passé
Pouvez-vous expliquer quel a été votre parcours ?
J’ai toujours vécu à la Bussière à Oullins. J’ai repris et agrandi la maison de mes parents dans laquelle j'habite toujours avec ma compagne Marie-Odile. Dès mon plus jeune âge, mon père a compris que je n’étais pas fait pour les études et m’a dit de trouver un métier. J’ai donc suivi un enseignement technique de deux ans à Brignais, et je suis devenu menuisier pour l’entreprise Salmon. Quand l’entreprise a fait faillite au début des années 60, je suis entré à la Sncf à Lyon Guillotière pour devenir cheminot comme mon père et mon grand-père avant moi. J’y ai travaillé d’abord en tant qu’ouvrier puis comme technicien. Certains sont doués en musique ou en écriture, moi j’ai toujours aimé construire de mes mains.
Comment en êtes-vous venu à devenir porte-drapeau ?
À 19 ans, j’ai été engagé volontaire par devancement d’appel. J’ai été envoyé en Mauritanie pendant 16 mois puis au Sénégal pendant 6 mois pour défendre les intérêts de la France. J’ai une médaille pour l’opération en Mauritanie, la médaille d’Afrique du Nord mais surtout la médaille du travail. Sachant que j’avais reçu ces décorations et qu’il n’y avait plus beaucoup d’anciens combattants lors des cérémonies, des membres de Ufac (Union Française des Anciens Combattants) m’ont demandé si j’accepterais de faire partie de ceux qui prennent la relève.
J’ai accepté, et ça fait une quinzaine d’années que je suis porte-drapeau, ce qui signifie que je porte le drapeau tricolore lors des cérémonies commémoratives. J’ai par ailleurs eu quatre enfants, dont un fils qui a lui aussi participé à des opérations au Tchad et au Liban.
À quelles cérémonies participez-vous et en quoi cet engagement est important pour vous ?
Je participe à de nombreuses cérémonies à Oullins et dans la région, comme la commémoration de la Libération d’Oullins ou la cérémonie en mémoire des 120 victimes tuées au Fort de Côte Lorette en août 1944. Mais la plus importante pour moi, celle qui me touche le plus, c’est la cérémonie en mémoire des déportés de 1939-45. On le fait en souvenir de copains déportés, dont certains s’étaient échappés plusieurs fois. Je pense que c’est important de ne pas oublier le passé et j’aime l’idée qu'une cérémonie incite de jeunes enfants à demander à leurs parents de leur expliquer ce qui s’est passé avant eux. Les cérémonies sont aussi une façon de montrer notre respect pour des gens qui ont donné leur vie pour la France.
Il y a dans votre maison de nombreux objets historiques, qu’est-ce qu’ils représentent pour vous ?
Mon avenir est limité mais le passé me fait vivre. J’ai toujours aimé les objets, ils montrent ce qu’a été la réalité. J’ai beaucoup de photographies, et j’ai une pièce entière consacrée à une sorte de musée familial composé de reliques de différentes époques. Radio de 1950, tourne disque, bouteille pour pêcher les vairons… Chacun des objets m’évoque quelque chose, m’aide à me rappeler ma vie et celle de mes ancêtres. Ils me permettent de savoir d’où je viens. Même la vue que j’ai depuis ma fenêtre me rappelle des souvenirs marquants : en 1939-45, les Allemands ont fait un blokhaus sur la colline de Sainte-Foy. Ils s’y installaient pour tirer sur le quartier de la Bussière où nous vivions. Mon père avait donc creusé une tranchée dans notre jardin pour qu’on s’y cache pendant la nuit avec interdiction d’allumer la lumière. D’une certaine façon, je suis moi-même un peu un "objet historique" du coin.
Octobre 2019