Sébastien Couraud
la solidarité hospitalière
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu les débuts la crise sanitaire en tant que chef du service de pneumologie à l’hôpital Lyon Sud ?
Un dimanche soir, alors que j’étais chez moi, j’ai tout à coup reçu toutes sortes de messages d’alerte de collègues italiens et de l’Est de la France qui me conseillaient de me préparer à quelque chose de très grande ampleur. Tout était encore calme ici, au sein du service, mais nous avons pris les choses en main dès le lendemain. On a eu environ quatre jours d’anticipation extrêmement précieux qui nous ont permis d’avoir toujours un temps d’avance sur l’épidémie. On a rapidement vidé nos unités pour les transformer en unités exclusivement dédiées au Covid af in d’éviter tout risque de contagion.
Certains de nos patients ont été transférés dans une unité de pneumologie créée de toute pièce, d’autres ont été pris en charge en hospitalisation à domicile ou en établissement de soins de suite...
Il nous a fallu organiser les unités Covid de sorte à accueillir des patients hautement contagieux : former en urgence le personnel des autres services venus en renfort, revoir l’ensemble du process, commander du matériel, etc.
C’était à nous de coordonner la réponse médicale sur Lyon Sud.
Comment a été gérée la prise en charge des patients au moment le plus fort de la crise ?
On s’est très rapidement rendus compte qu’il fallait passer en 24h sur 24 et une solidarité hospitalière incroyable s’est mise en place. Une 3e unité Covid a été créée avec le soutien du personnel d’autres services. On a également reçu l’aide de médecins libéraux, d’internes, de beaucoup de personnels paramédicaux, d’orthoptistes... Des étudiants en médecine se sont proposés de prendre en charge le ménage. Une équipe hétéroclite mais compétente s’est construite.
On a vécu trois ou quatre semaines extrêmement intenses avec l’impression de vivre une course permanente mais sans jamais être dépassés.
La gestion des patients était très dynamique et une triangulaire efficace s’est mise en place entre le service des urgences, les unités de médecine et le service de réanimation pour gérer au mieux les malades en fonction de la gravité de leur état.
Plus personnellement, j’ai été soulagé et tranquillisé que mes enfants puissent être pris en charge par la crèche hospitalière et le dispositif mis en place par la Ville d’Oullins. Mon épouse, cheffe de service ajointe de l’anesthésie-réanimation à l’hôpital de la Croix-Rousse, était elle aussi très sollicitée et la situation aurait été compliquée à gérer sans cela.
Qu’est ce qui était le plus difficile ou le plus marquant ?
Toute l’équipe médicale et paramédicale me l’a dit : le plus impressionnant était vraiment cette urgence d’apprendre et de comprendre la maladie au jour le jour, pour soigner au mieux les malades. C’était cette arrivée extrêmement massive de patients et cette nécessité de se concerter, de revenir aux fondamentaux de la médecine, à l’observation, à l’examen clinique parce qu’il n’y avait rien dans les livres pour nous aider. Si on ouvrait une page au chapitre Covid, il n’y avait rien à y lire : on était nous-même en train de l’écrire !
On ne sait pas ce que donnera la suite, mais je pense qu’on gardera tous le sentiment d’avoir accompli, ensemble, quelque chose d’inhabituel. Ça a indéniablement renforcé l’équipe du service qui était déjà très soudée, mais aussi les liens avec d’autres services.
Aujourd’hui, on est soulagés d’avoir passé la première vague. On se sent également plus sereins et mieux préparés, s’il le faut, pour une prochaine. Mais quelle que soit l’évolution des choses, je pense que les gens peuvent être fiers de leur système hospitalier et de la façon dont le personnel a travaillé.
Mai 2020