Mariette Wilson
"Oser chanter, oser prendre de la place, oser faire du bruit..."
Pouvez-vous vous présenter ?
Originaire de la Loire, j'habite le quartier de la Bussière depuis une douzaine d'années. Je viens d'une famille où tout le monde fait de la musique. J'ai commencé le piano à 7 ans et j'ai passé toute mon enfance à chanter avec mes trois sœurs. Après une licence de lettres classiques à Saint-Étienne, puis trois ans à Paris en licence de musicologie et au conservatoire de chant et direction de chœur , j'ai eu l'opportunité de poursuivre mes études aux États-Unis, en Floride pour un master de chant et de direction chorale. C'est là-bas que j'ai découvert une toute autre façon d'aborder le chant et les représentations face à un public. Contrairement à la France où nous avons peu souvent l'occasion d'être sur scène et avec une énorme pression lorsque cela présente, aux États-Unis, les enfants prennent le micro dès qu'ils le peuvent et le public est extrêmement bienveillant ; tout est très encourageant, très valorisant.
Ce constat m'a beaucoup marquée dans ma manière d'enseigner. Dans notre culture, on n'ose pas vraiment chanter, enfin on veut bien chanter mais sans faire trop de bruit ni prendre trop de plac, en particulier si on est une femme. Quand on travaille sur ces freins, on constate qu'une grande partie de la technique vocale se met naturellement en place.
Comment développez-vous cela au quotidien ?
Professeur de chant et chef de différents chœurs, je suis également fondatrice de l'association Les Chantiers musicaux qui a fêté ses dix ans l'année dernière et pour laquelle j'anime des ateliers de technique vocale et de libération de la voix. Au-delà de ces ateliers pour le grand public, l'association mène des projets sociaux auprès de publics différents, notamment en situation de handicap ou de grande précarité. Cela a commencé par de petits concerts dans des maisons de retraite, des hôpitaux, des foyers. Puis, je me suis très vite rendu compte qu'il serait intéressant de rencontrer ces personnes avant les concerts et de les faire chanter elles aussi, pour que le moment du concert avec les adhérents de l'association soit une véritable rencontre. C'est dans un foyer pour personnes sans domicile fixe que cette aventure a commencé en 2015. L'année suivante, j'y suis allée toutes les semaines pendant deux mois pour travailler un répertoire que nous avons présenté lors d'un concert. Depuis 2021, je propose à certains adhérents de l'association de m'accompagner. Un groupe de 7 chanteuses est venu avec moi dans un foyer des femmes battues. En arrivant avec une chorale déjà constituée, c'est plus facile de faire adhérer les participants. Il est essentiel pour moi de créer des rencontres, et que les adhérents des Chantiers Musicaux puissent découvrir des quotidiens que l'on ne soupçonne pas, que cela soit autour du handicap, de la précarité sociale ou de la vieillesse...
Et pour aller encore un peu plus loin dans cette démarche d'inclusion, nous avons un grand projet qui a démarré au printemps et qui se poursuivra à la rentrée : faire se rencontrer et chanter ensemble trois groupes dont deux issus de maisons de retraite et le troisième foyer de femmes sans domicile fixe. Nous voulons prouver à toutes ces personnes qu'elles ont toujours de la valeur et leur place dans la société. Pour mener à bien ce projet, nous avons lancé un financement participatif auquel chacun est libre de participer via le site Helloasso.
Pourquoi avoir eu cette idée de concerts sociaux ?
Je crois que j'ai cette sensibilité depuis toujours. C'est en arrivant en Floride que j'ai commencé à m'intéresser au développement personnel, notamment grâce au yoga. Dans le yoga, il y a le seva. C'est un mot sanscrit qui veut dire service aux autres, service désintéressé. Je pense que la pratique du chant choral trouve encore plus de sens lorsqu'elle se met au service de la solidarité et de la rencontre. En plus de ces nombreuses interventions à vocation sociale, j'ai la chance de pouvoir m'investir dans d'autres domaines tels que l'animation d'ateliers sonores pour l'Auditorium de Lyon ou la prestation en tant que jurée dans des concours internationaux de chant choral, ou lors des jeux européen prévus à Norrköping, en Suède, en novembre prochain.