Mary Paillon
ouvrir la voie aux femmes
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis née en 1848 en Ardennes mais j'ai grandi et passé le plus clair de ma vie à Oullins. Je viens d'une famille bourgeoise ; mon père était médecin et ma mère une alpiniste expérimentée. C’est elle qui, très tôt, m'a initiée à l'alpinisme, un sport atypique que très peu de femmes à l'époque avaient l'audace de pratiquer. Je me souviens encore de mes toutes premières expéditions avec elle et Maurice, l'un de mes deux frères. Ces excursions ont fait naitre en moi une véritable passion pour l'alpinisme ; une passion qui ne m'a jamais quittée depuis et qui a même fini par devenir le fil rouge de ma vie.
Pouvez-vous raconter vos meilleurs souvenirs d'alpiniste ?
Au-delà des sommets, les ascensions nous mènent parfois à des rencontres inoubliables. Pour moi, la plus marquante a été ma rencontre avec Katharine Richardson en 1888, à l'occasion d'une expédition dans les Alpes. Très vite, Katharine est devenue ma plus proche compagne de cordée mais aussi une amie, presqu'une sœur, avec qui j'ai partagé des courses inoubliables ! Pendant l'hiver 1890, on a gravi ensemble la chaîne de Belledonne dans le Dauphiné. On a également réalisé la première ascension féminine de l'aiguille méridionale d'Arves en 1891 suivie, quelques années plus tard, par l'ascension de la Meije orientale, puis du Mont Pelvoux en 1897.
Vous êtes également connue pour vos contributions dans diverses revues d'alpinisme...
Je fais effectivement partie des rares femmes à avoir écrit dans des revues alpines, et des femmes, plus rares encore, à systématiquement signer mes écrits de mon nom complet. Mon tout premier article consacré à la « Première ascension féminine de l'aiguille méridionale d'Arves » a été publié dans l'Annuaire du Club Alpin Français (CAF) en 1891. J'ai ensuite écrit pour différentes revues spécialisées dont la Montagne, la Revue Dauphinoise, mais aussi et surtout la Revue Alpine. Votre parcours est atypique et remarquable, surtout pour une femme de votre époque.
Est-ce que vous vous qualifiez vous-même de féministe ?
J'ai vécu dans une période où le féminisme commençait à prendre de l'ampleur, et j'ai effectivement souhaité être l'une des voix de ce mouvement. J'ai fait partie des suffragettes, mais mon plus grand combat a été d'ouvrir l'alpinisme aux femmes. L'écriture a été pour moi une façon de promouvoir l'alpinisme auprès d’elles en retraçant mes propres ascensions, en détaillant le matériel nécessaire aux femmes souhaitant gravir des sommets, etc. Je me suis efforcée de démontrer les prouesses dont les femmes sont capables avec de l’entraînement !
Février 2021