Martin Dutrait

Sourd de naissance, Martin Dutrait est aujourd'hui médiateur scientifique en langue des signes française (LSF) et anime notamment la chaîne Youtube ViruScience.

un geste pour le savoir

Quel est votre parcours ?

J'ai grandi en région parisienne où j’ai fait toute ma scolarité en milieu ordinaire. J'ai très vite appris à lire sur les lèvres et j'ai été accompagné par un orthophoniste pour développer mon expression orale. Quand on est sourd, suivre des cours demande beaucoup de concentration, il faut toujours combler des trous dans la compréhension des mots lus sur les lèvres, mais j’arrivais à m’en sortir en posant des questions aux enseignants après les cours et en complétant mes notes par des lectures.
À la fac, en revanche, les choses se sont compliquées… J’étais passionné, depuis le collège, par les sciences et la recherche mais je n’avais pas réalisé que l’université, avec ses amphithéâtres de 300 personnes, était peu adaptée aux personnes atteintes de surdité. J'ai obtenu une licence de biologie puis un master en neurosciences mais j’ai abandonné l’idée de faire de la recherche.

Comment êtes-vous devenu médiateur scientifique ?

Après mon master, j’ai pris une année sabbatique pour réfléchir à ce que je voulais faire. Et j’ai finalement décidé de compléter mon cursus par un master en journalisme et communication pour associer science et médiation. J’ai emménagé à Oullins en 2013 et après plusieurs emplois dans la médiation et l’animation, j’ai créé ViruScience en 2018.
Depuis, mon activité est partagée entre de la sensibilisation à la surdité et au handicap, des formations à la médiation scientifique, des animations et traductions en LSF et l’animation d’une chaîne YouTube de vulgarisation scientifique en LSF.

À quel moment avez-vous appris la langue des signes française ?

Ce n'est que vers 14-15 ans que j’ai vraiment appris la LSF suite à la rencontre d’un autre enfant sourd qui vivait dans mon quartier. On est très vite devenus amis mais la communication était limitée car je connaissais peu de signes et lui ne savait pas lire sur les lèvres. Cette rencontre a été un déclic pour m’inciter à apprendre mais il m’a fallu plusieurs années pour parler couramment. Je suivais des cours proposés chaque semaine par une association tout en faisant des sorties régulières avec d'autres sourds pour développer mon vocabulaire. Aujourd’hui, je suis papa de deux enfants également sourds et je leur parle à la fois en LSF et en langue orale.

À qui s'adressent les vidéos que vous diffusez sur votre chaîne YouTube ViruScience ?

Dès le départ, j’ai décidé de sous-titrer mes vidéos en LSF et de faire en sorte qu’elles ne s’adressent pas qu’aux sourds mais aussi et peut-être même surtout aux entendants ! La science est trop souvent perçue comme quelque chose d’ennuyeux, de difficile à comprendre et ces vidéos en LSF sont, pour moi, un moyen de la rendre vivante, intéressante et accessible. La langue des signes a le mérite de laisser de côté les termes techniques pour mettre le corps, les mains et les expressions du visage au premier plan avec une dimension presque théâtrale. C’est aussi une langue qui ne permet pas de traduire un certain nombre de termes techniques : je trouvais cette spécificité intéressante à explorer parce qu’elle oblige à expliquer des concepts compliqués avec des termes simples. Mes vidéos parlent de tout et n’importe quoi, je m’inspire de mes observations, des expériences du quotidien et des questions que me posent mes enfants pour trouver des sujets. La science est partout !

 

 

Septembre 2020

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