François Koch
une vie de jeux
Pourquoi et comment avez-vous créé votre premier jeu ?
C’était il y a 24 ans déjà. Je cherchais un jeu d’ambiance interactif et comme je n’arrivais pas à le trouver, j’ai décidé de le créer moi-même. Ça a débouché sur Caractère : un jeu qui pousse les participants à se livrer franchement.
J’ai passé trois ans à imaginer les questions auxquelles doivent répondre les joueurs en m’observant moi-même et en passant des heures à observer les autres dans les cafés, sur les terrasses… Une fois le jeu terminé, et après l’avoir testé et retesté avec des amis, je me suis rendu à un salon d'édition à Paris, avec sous le bras une maquette bien ficelée. Je l’ai présentée à un éditeur qui m’a immédiatement répondu qu’il ne marcherait jamais !
Je n’avais aucune envie de m’entendre répondre 30 fois que ça ne fonctionnerait pas. Alors j’ai tout de suite fait demi-tour, décidé à l’éditer moi-même ; moi, j’y croyais ! J’ai d’abord sorti 500 exemplaires et comme le jeu semblait plaire, j’ai fait une deuxième édition de 3000 exemplaires. Depuis, Caractère a été édité en 60 000 exemplaires.
Depuis que vous en avez fait votre métier, combien de jeux avez-vous conçus et d’où viennent vos idées ?
J’ai créé 35 jeux depuis. Des jeux très différents, mais toujours grand public. J’aime beaucoup jouer mais je déteste lire des règles qui font 10 pages : j’essaye donc de créer des jeux simples d’accès mais riches une fois qu’on y joue.
Beaucoup d’idées me viennent en marchant mais chaque jeu a une histoire différente. J’ai par exemple créé les Musiciens de Brême en référence au conte de Grimm qu’on me racontait quand j’étais enfant et qui réunit beaucoup de choses qui me touchent personnellement comme la solidarité des animaux, le fait de prendre sa vie en main, l’idée de la marche…
L’histoire de Bonjour Robert est plutôt amusante : quand j’avais une vingtaine d’années, j’ai quitté mon Alsace natale pour aller vivre à Grenoble. À mon arrivée, j’ai naturellement dit bonjour au premier voisin croisé… qui ne m’a pas répondu ! Je l’ai salué à nouveau en le croisant le lendemain : toujours pas de réponse ! Ça a fini par devenir un jeu pour moi : je lui disais de plus en plus fort jusqu’à presque le hurler.
Au bout d’un an, enfin, il m’a répondu. Après ça, dès qu’il me voyait, c’est lui qui disait vite bonjour en premier. Ce souvenir a abouti à la création de Bonjour Robert : un jeu de réflexe amusant où il faut saluer différents personnages de la manière appropriée.
Vous êtes également éditeur, pouvez-vous en dire plus sur cette dimension de votre travail ?
Il s’agit d’un métier que j’ai appris au fur et à mesure, parfois à mes dépens ! Pour la première édition de Caractère, par exemple, j’ignorais qu’il existe un seul fabriquant de cartes en France capable de les imprimer puis de les trier.
Cela m’a valu de passer des mois à trier à la main les 360 cartes questions des 500 premiers exemplaires du jeu… Mais c’est aussi une dimension passionnante de mon travail et qui prend de plus en plus de place pour moi. À l’heure actuelle, je passe beaucoup de temps à rééditer mes jeux, fabriqués en France à 98%, et j’en édite un nouveau tous les deux ans environ.
Plonk et Aquatika, les deux derniers que j’ai sortis, sont d’Alexandre Droit, un auteur lyonnais, je n’en suis que l’éditeur. Je travaille régulièrement avec des auteurs et illustrateurs de la Cal (Compagnie des z’Auteurs Lyonnais). C’est agréable pour moi de collaborer avec un auteur pour affiner les règles et chercher un illustrateur, plutôt que de tout faire tout seul.
Mon travail d’éditeur ne s’arrête pas là puisque je viens par ailleurs d’éditer un livre que j’ai écrit suite à une randonnée de trois mois sur le chemin de Compostelle.
Janvier 2021