Colonie pénitentiaire
La colonie pénitentiaire agricole d’Oullins, ou « Refuge Saint-Joseph »
Contexte
Le 19e siècle est une période de lents progrès pour la condition de l’enfant, que ce soit au niveau de la justice ou du travail. L’enfant, bien que mineur jusqu’à 21 ans, est encore traité tel un adulte jusqu’aux alentours de 1850.
Le travail de l’enfant n’est pas règlementé avant 1841. A cette date, le travail est interdit aux enfants de moins de 8 ans mais les autres peuvent travailler au moins 8h par jour.
En 1850, la loi Corne est adoptée. Elle place les mineurs délinquants dans des lieux séparés des adultes : les colonies pénitentiaires agricoles et ouvrières. Ces centres de redressement pour mineurs condamnés en justice peuvent aussi accueillir les vagabonds (car le vagabondage est un délit depuis 1810) ou les orphelins. Cependant, l’Etat ne fait que rendre obligatoire ce que des philanthropes privés ont mis en place dès la décennie 1830, comme c’est le cas à Oullins.
Le Refuge Saint-Joseph
En 1835, trois abbés de la Congrégation des Frères de Saint-Joseph décident de fonder un refuge pour la jeunesse en perdition à Oullins, au chemin des Fours à Chaux (actuelle rue Pierre Sémard).
L’abbé Joseph Rey est le propriétaire du lieu et son premier directeur entre 1835 et 1846. Il administre le domaine avec sérieux jusqu’à sa mort en 1874. Il accueille des garçons de 8 à 20 ans et affiche clairement son objectif lors d’un conseil d’administration vers 1840 : la « […] régénération morale d’une jeunesse pervertie, par une instruction chrétienne, industrielle ou agricole, donnée aux jeunes garçons vagabonds, corrompus ou délaissés pour les rendre ensuite à l’âge de 20 ans à la société dont ils eussent été le fléau […]. ».
Le Refuge est le premier à obtenir le statut de colonie pénitentiaire agricole en 1853 après la loi Corne.
Fonctionnement
La colonie pénitentiaire peut recevoir 270 garçons. Ce nombre n’est atteint qu’à la fin des années 1870, mais est de 177 en 1867. Les mineurs sont répartis en 6 dortoirs et sont encadrés en permanence par 37 frères.
En 1867, la majorité du personnel réside à Oullins. Sous l’abbé Rey, le personnel est sélectionné avec soin. Pour faire partie du personnel du refuge, il faut disposer d’un casier judiciaire vierge, d’un brevet d’instruction, avoir de bonnes mœurs et être formé auparavant dans le second établissement de l’abbé Rey à Cîteaux. Après sa mort, les critères de sélection du personnel sont beaucoup moins stricts.
Les conditions de détention
A leur entrée dans la colonie, les mineurs sont répertoriés en 2 catégories : jugés ou non jugés. Les enfants condamnés en justice ne côtoient pas les autres avant au moins 3 mois, selon leur conduite.
Leurs noms et prénoms sont ensuite indiqués, tout comme leur âge et le métier qu’ils choisissent d’apprendre pendant leur détention afin de garantir leur réinsertion. Ce document montre que les enfants ont le choix entre 7 métiers : jardinier, ajusteur, menuisier, boulanger, cordonnier, ouvrier en soie et tailleur. Jardinier est le plus choisi
Chaque jour commence à 5h30 et s’achève à 20h30. Du lundi au samedi, 3h par jour sont consacrés à l’instruction primaire, contre 8 environ pour le travail. Le fruit du travail des enfants est revendu par la colonie et assure son fonctionnement. Le dimanche est un jour de repos et les enfants ont droit à 30 min de visite, aux cours de dessin pour les plus méritants, de sport ou musique. De grandes promenades et baignades sont organisées lorsqu’il fait beau.
L’hygiène et la santé sont bonnes dans la colonie : 3 à 4 repas par jour sont servis avec du pain à volonté, de la viande et des légumes et la toilette est quotidienne.
La colonie pénitentiaire reçoit en majorité des enfants en provenance des grandes villes de la région (Lyon, Grenoble, St-Etienne) mais aussi d’autres régions : PACA, Languedoc-Roussillon, Bourgogne ou Franche-Comté.
Le pillage de 1848
Le lendemain de la révolution du 27 févier 1848 qui proclame la Seconde République, des centaines d’émeutiers profitent de l’anarchie pour piller et mettre le feu au Refuge Saint-Joseph.
L’abbé Rey constate des dégâts à hauteur de 400 000 F. et décide en vertu d’une loi de la Révolution Française (lors d’une émeute, les villes d’origine des émeutiers doivent rembourser les dégâts) de porter plainte contre la commune d’Oullins.
Oullins se défend en justice car tous les émeutiers ne viennent pas de la commune mais est condamné à rembourser 250 000 F. Le remboursement s’étale sur plusieurs années et est assuré par les plus aisés de la commune
La fermeture de la colonie
En 1883, la compagnie PLM qui assure le développement du chemin de fer extorque pour cause d’utilité publique la colonie d’Oullins. Celle-ci est transférée à Brignais avant de fermer le 16 juillet 1888 à cause des mesures anticléricales du gouvernement de la Troisième République, et les enfants sont transférés dans diverses colonies publiques en France. Le bâtiment de Brignais est toujours debout à l’heure actuelle, au lieu-dit de Sacuny.
Sources :
Archives Municipales d’Oullins : séries 4I, 6Fi, 5F1
VIDALOT Sophie, La nécessité de sauver l’enfance en danger : l’exemple de la colonie pénitentiaire et agricole d’Oullins et de Brignais (1835-1888), 2012
Auteur : Morel Nicolas, stagiaire de M1 Archives à Lyon 3.